Faut-il ou non être « présent » sur l'AppGallery, la boutique d'applications de Huawei ? Depuis qu'il n'a plus accès au Play Store de Google en raison des sanctions américaines, le champion chinois se plie en quatre pour inciter les applications les plus populaires en Europe à venir sur son magasin « maison ».

C'est une question de vie ou de mort pour Huawei. Sa part de marché a fondu comme neige au soleil sur le Vieux Continent depuis que ses téléphones n'embarquent plus d'office les fameuses « killer apps » comme Gmail, YouTube ou Google Maps.

Officiellement, l'AppGallery est un succès. Huawei le présente comme le « troisième plus grand magasin d'applications au monde ». 580 millions de personnes l'utilisent tous les mois dans 170 pays, surtout en Chine.

« 2,3 millions de développeurs, dont 300.000 hors de Chine, ont conçu des applications pour notre boutique », précise Alex Huang, le directeur du marketing pour l'Europe. Huawei dit aussi avoir séduit 100 % des applications d'origine chinoise et les trois quarts des applications européennes.

Offre parcellaire

Mais à ce stade, les développeurs occidentaux sont encore circonspects. Certes, Deezer, Booking, Telegram, Snapchat et Leboncoin sont présents. Mais l'offre reste très parcellaire pour un client habitué à l'App Store d'Apple ou au Play Store de Google.

AppGallery : Huawei peine à convaincre les développeurs d'essayer son magasin d'applis

Les plus grands réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) manquent à l'appel - il faut les chercher manuellement dans la barre de recherche pour atterrir sur leur page Web. La SNCF est présente, mais pas la RATP. La Société Générale, le Crédit Mutuel et La Banque Postale y sont aussi, mais avec un nombre de téléchargements largement sous la barre du million. Idem pour les médias.

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Le problème est économique. Pour un éditeur d'applis, arriver sur l'AppGallery signifie développer une troisième application, en plus de celles sur Android et iOS. Le projet reste coûteux, malgré l'aide technique apportée par Huawei, un prélèvement sur les dépenses « in-app » de 15 % (soit bien moins que chez Google et Apple)… et des technologies qui vont éviter de devoir tout « recoder ».

« L'ajout d'un troisième store d'applications n'est pas une tâche insignifiante. Il est probable que les éditeurs continuent de donner la priorité à iOS et Google Play et n'ajoutent la prise en charge de l'AppGallery que lorsque les appareils Huawei représentent une part importante d'un marché clé pour leur activité », explique-t-on chez AppAnnie.

Un public incertain

« Je n'ai pas de doute que créer l'appli soit facile. Le problème, c'est la maintenance, commente le responsable des développements applicatifs d'une grande entreprise française. Gérer trois stores, c'est multiplier par trois le travail des développeurs 'front' pour faire les mises à jour. Et pour quel public ? Nous avons beaucoup de mal à obtenir des chiffres. Et lorsque nous regardons les données qui remontent des sites mobiles, les utilisateurs de matériel Huawei sont très minoritaires. »

BlaBlaCar, de son côté, veut d'abord tester l'engouement des utilisateurs avant de travailler sur une application plus aboutie. Un autre grand éditeur ajoute que, puisque le système de paiement in-app de Huawei n'est plus celui du Play Store de Google, les équipes comptables doivent aussi être mobilisées.

Une question d'image

« La question que se posent les développeurs, c'est vraiment : quel sera le retour sur investissement ? » explique Baptiste Michel, PDG et cofondateur de BAM, une agence spécialisée qui a conçu des applications pour Renault, Meetic, BNP Paribas et UGC. « Pour le moment, une minorité de nos clients ont basculé, car c'est très nouveau. »

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Dernière difficulté pour Huawei, la question de l'image. Alors que le géant chinois est pris dans les rets de l'administration américaine et doit se défendre d'accusations d'espionnage, être un précurseur sur l'AppGallery peut être vu comme un acte implicite de soutien politique. Ce dont les directions générales ne veulent… à aucun prix.

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