En tant que consommateur français, sans doute n’auriez-vous pas imaginé que la guerre commerciale que se livrent depuis plusieurs mois les États-Unis et la Chine, qui a atteint un pic d'intensité depuis que Google a annoncé qu'elle rompait ses liens avec la société chinoise Huawei Technologies, vous impacterait un jour aussi directement. Et pourtant : si vous êtes propriétaire d’un smartphone Huawei, qu’il s’agisse des excellents P30 ou P30 Pro, derniers modèles en date de la marque, d’un Mate 20 ou d’une itération plus ancienne, vous vous inquiétez désormais de devoir changer de téléphone d’ici quelques semaines, ou, peut-être plus pénible encore, de vous adapter dans un futur plus ou moins proche à un nouveau quotidien nébuleux dont Google ne fera plus partie.

Vous avez un Huawei Mate 10 Pro, un Mate 20, un P Smart ou un P30, ou encore un appareil de la marque Honor, dont la maison-mère est Huawei : vous passerez à travers les gouttes. Ni les applications de l’écosystème Google (Gmail, Google Maps, YouTube…), ni le PlayStore, ce magasin virtuel où vous téléchargez vos applications, ne vont disparaître de votre téléphone. Google a en effet fait savoir dans un tweet, posté depuis le compte d’Android, que cette décision ne concernait pas les "existing Huawei devices", soit les appareils déjà sur le marché. De la même manière, votre téléphone conservera son système Android, tout comme ses mises à jour de sécurité, a assuré le petit bonhomme vert.

En revanche, les choses se corseront lorsqu’il s’agira de mettre à jour son téléphone avec la dernière version d’Android – Android 10 Q, en l’occurrence. Il faudra probablement attendre que celle-ci soit déployée dans le projet open source (voir ci-dessous), ce qui pourrait prendre plusieurs mois à chaque fois.

Que va-t-il concrètement se passer pour les propriétaires français d’un smartphone Huawei ou Honor ?

Android n’a pas été très clair sur les appareils qu’il considère comme des "existing Huawei devices". S’agit-il de tous les téléphones sortis d’usine avant l’ajout de Huawei sur liste noire, y compris ceux qui attendent d’être vendus en boutique, ou seulement des appareils qui ont déjà trouvé preneur ? En considérant que le Honor 20, dernier modèle de la marque présenté mardi à Londres, devrait avoir accès aux applications et aux services Google, on peut imaginer qu’il est encore temps d’investir dans un Huawei si toutefois l’idée d’avoir des mises à jour Android à retardement vous indiffère.

À plus long terme toutefois, et si les États-Unis ne reviennent pas sur leur décision, acheter un smartphone Huawei reviendra presque à un acte de dissidence, puisque vivre sans Google dans le monde occidental relève d’une forme d’insoumission au modèle largement dominant. De quoi en convaincre certains, qui aspirent à se "dégoogliser", d’investir dans du Huawei. Et en pousser beaucoup d'autres à partir, au contraire, chez les concurrents Samsung, Xiaomi ou OnePlus, qui s'en frottent déjà les mains....

Un avenir sans Google, mais pas sans Android

Il est cependant important de noter que si Huawei devra se passer de Google, il pourra encore bénéficier sur tous ses prochains smartphones d’Android, qui est un système d’exploitation open source, et donc libre d’utilisation par quiconque le souhaite, conflit commercial ou non. Seulement, il ne s’agira plus de la version commerciale d’Android mais d’Android AOSP, une sorte de version brute de l’OS, sans la suite Google de services et d’applications. À titre de comparaison, c’est comme si Huawei, qui jusqu’à présent achetait ses meubles en kit chez Ikea et les montait en suivant le mode d’emploi, allait devoir s'approvisionner en vis et percer les trous lui-même, sans notice.

Huawei, qui se serait attendu dès l'année dernière à une telle situation, selon les dires de ses dirigeants, assure aussi avoir déjà mis au point son propre système d’exploitation, dont on connaît le nom : HongMeng. Bien évidemment, cet OS maison devra être doté d’un store d’applications bien à lui, duquel seront absentes les applications Google. Mais il faut voir les choses en face : même si Huawei parviendra sans doute très bien à se passer du géant américain d’un point de vue de technologique (après tout, c’est ce qu’il fait en Chine depuis des années), il aura probablement beaucoup de mal à convaincre commercialement en Europe.

Avant d’en arriver là, il n’est pas à exclure que ces tensions entre les États-Unis et la Chine finissent par s’apaiser dans les semaines à venir. Rappelons qu’il s’agit avant tout de géopolitique. Et en la matière, tout n’est qu’une succession de tempêtes et d’accalmies. Alors on patiente encore un peu avant de changer de mobile.

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